23.04.2024 Collection Tips

Conseils pour commencer une (bonne) collection d'art

par Stephanie Dieckvoss

Tips for Collectors

 

Introduction

Dans votre enfance, vous avez peut-être collectionné des scarabées ou des timbres. Ou vous avez peut-être acheté des œuvres d'art à des artistes locaux pour les soutenir. Vous avez peut-être aussi ramené des œuvres ou des objets d’un lieu de villégiature. Ou encore êtes-vous un habitué de la maison de vente aux enchères la plus proche de chez vous ou d’une foire d'art régionale ? Parfois, vous vous demandez d'où viennent toutes ces œuvres et pourquoi les murs et sols de votre maison deviennent de plus en plus étroits ? Ou bien vous êtes d'une génération plus sensible au numérique et vous achetez de l'art sur Instagram ?

Quoi qu'il en soit, ce qui importe, c'est que vous êtes très probablement « embarqué ». Katya Kazakina, rédactrice du magazine ‘Town and Country’, l'a décrit comme suit : quand on est ‘mordu par le virus de l'art, on est mordu !’. Cela s’applique aussi bien à certains des plus grands collectionneurs de notre époque, tels Linda et Harry Macklowe, qu’à des collectionneurs plus modestes dont les collections vont des jouets aux éventails, des vins aux voitures et ceci bien sûr sur toutes les périodes. On a beaucoup parlé de ce qui distingue l'achat d'art de la collection d'art. Il est important de confirmer à tous qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de se passionner pour l'art. Ce qui suscite votre intérêt est précieux et doit être suivi dans le temps.

Ce que nous allons examiner aujourd'hui, c'est ce qu'il faut faire lorsque l’achat occasionnel devient plus sérieux, comment la différence s’établit entre acheter et collectionner et comment se lancer dans la collection. Ce cheminement permettra de tirer plaisir, joie et satisfaction d'une collection, mais conduira aussi à l'entretenir de la meilleure façon possible afin qu'elle conserve sa valeur.

 

Qu'est-ce que collectionner ?

Dans son essai de 1931, ‘Je déballe ma bibliothèque’, le philosophe allemand Walter Benjamin décrit un collectionneur de livres. Il explique comment les spécificités du collectionneur ne le conduisent pas à une appréciation du livre en tant qu'objet utile, mais comme quelque chose qui le dépasse, comme un objet qui mérite d'être admiré et collectionné. Il écrit ‘que pour un collectionneur... la propriété est la relation la plus intime que l'on puisse avoir avec les objets’. L'essence de cette phrase réside dans la passion qui se manifeste dans la relation entre le propriétaire et l'objet, mais aussi dans la responsabilité émanant de la possession et donc l'entretien des dits objets. C'est la reconnaissance - consciente ou inconsciente - de cette relation qui constitue la différence entre un acheteur occasionnel et un collectionneur. Un collectionneur n’arrête pas sa collection au motif qu’il n’a plus de place sur les murs. Souvent, il poursuit un objectif, s’attache à une thématique, une période ou un artiste en particulier.

Cette relation personnelle détermine également si et comment les œuvres seront revendues, lorsqu’elles ne correspondent plus au goût du collectionneur ou qu’elles sont considérées comme des actifs financiers. La célèbre formule de Jean Baudrillard dans ‘Le Système des objets’ (1968/1996) l’atteste : ‘Ce que l'on collectionne vraiment, c'est toujours soi-même.’ La collection devrait être personnelle : ne regardez pas seulement vos amis ou vos voisins ou n'essayez pas d'imiter un musée. Le collectionneur allemand Christian Boros a déclaré un jour : ‘Une collection privée n'est pas un meilleur modèle qu'un musée, mais c'est un complément important. Vous avez besoin d'un musée à des fins historiques - pour montrer le meilleur art de la décennie, par exemple. Ensuite, vous avez les collections privées, avec leurs erreurs, leurs goûts subjectifs". C'est ce goût subjectif qu'un collectionneur peut mettre en valeur et vouloir partager.

 

Comment commencer à collectionner ?

1. En ce qui concerne les relations, il est important de faire confiance à soi-même, à son instinct, certains disent à son intuition, à ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas.  Il ne faut pas seulement se demander si vous pourriez vivre avec une œuvre d'art, mais aussi si vous pourriez vivre sans. Et si vous ne pouvez pas, achetez-la. Presque tous les grands collectionneurs ont cette perception. Si vous n'êtes pas sûr de ce que vous aimez, il n'y a qu'une seule façon de le savoir et de le découvrir : regardez, regardez et regardez encore. Idéalement des œuvres directement, dans des musées, des galeries, des ateliers ou des foires d'art, mais aussi, confortablement installés chez vous, sur Instagram ou d'autres médias sociaux. Si la notion de ‘connoisseur’, et le fameux œil que possèdent les spécialistes des maisons de vente aux enchères tombe peu à peu en désuétude, il faut souligner l’importance du regard, de ce que l’on ressent face à une œuvre. La collectionneuse et consultante en art italienne Elena Bondesani souligne l'importance d'être curieux : ‘Commencez à collectionner après avoir visité des foires d'art et des galeries : il faut ouvrir son esprit à la connaissance de l'art de tous les temps, qui est toujours lié aux facteurs politiques, économiques, scientifiques, aux tendances d’une époque .... L'art c'est la vie !’

2. Soyez curieux, mais soyez aussi honnête avec vous-même. Certains font confiance à l'art déjà installé et, avec un budget limité, optent pour des œuvres éditées ou des multiples, d'autres assurent qu’ils soutiennent les prochaines générations d'artistes, se rendent à des expositions dédiées et acceptent le risque que l'artiste ne fasse plus jamais d'œuvres. Choisissez le mode d'achat qui vous convient le mieux. Et si la validation d'une vente aux enchères publique et d'un marché de la revente sont importantes pour vous, allez-y. Particulièrement dans les domaines où l'offre peut être rare, l'achat aux enchères est souvent le moyen le plus rapide et le plus facile de constituer une collection importante en peu de temps. Si vous aimez être entouré d'artistes, leur parler et découvrir leur travail, vous apprécierez probablement davantage la manière plus directe de commencer une collection en achetant des œuvres directement dans l'atelier plutôt que le processus plus compétitif d'une vente aux enchères. La façon dont vous achetez et ce que vous achetez sont déterminés par vos goûts - à la fois par rapport à l'art mais aussi par rapport aux réseaux qui l'entourent - mais aussi par vos limites. Celles-ci peuvent être le temps, l'argent, ou bien sûr l'espace.

3. L’argent : vous pouvez collectionner avec un budget prédéfini ou du moins commencer à le faire. Alors que les média et les records de ventes aux enchères donnent l'impression qu'il faut beaucoup d'argent pour constituer une collection importante, ce n'est pas forcément le cas. Il existe pourtant des domaines de collection où l'on peut devenir un spécialiste, à l’exemple des personnes visionnaires qui ont collectionné de jeunes artistes qui avec le temps ont été reconnus. Peut-être préférerez-vous jouer la sécurité et acheter des artistes en milieu de carrière qui produisent des œuvres éditées dont le prix est souvent raisonnable. Les éditions imprimées des musées et des galeries sont un bon moyen de débuter dans ce domaine. Avec la baisse de certains segments du marché de l'art, les galeries et les maisons de vente aux enchères bien établies, ainsi que les foires d'art, proposent plus d'œuvres à moins de 10 000 ou même 5 000 euros qu'on ne pourrait le penser. Sonja Lechner, consultante allemande en art, souligne que ‘les académies d'art proposent partout des expositions d’artistes reconnus dans lesquelles de jeunes artistes peuvent présenter leur travail : il s'agit d'un point de départ idéal pour les collectionneurs disposant d’un budget plus limité. Entrer en contact avec des artistes à leur début permet également d'accompagner leur parcours jusqu'à ce qu'ils deviennent plus connus. Les ateliers d’artistes ouverts à proximité de chez soi offrent également des possibilités de suivre les développements artistiques. À mon avis, l'élément le plus essentiel est toutefois le contact avec les galeries qui travaillent avec de jeunes artistes encore inconnus et popularisent leurs œuvres par le biais d'expositions et de foires d'art complétées par des textes sur l'histoire de l'art."

4. Définissez des paramètres pour vous-même : quel est votre engagement en termes de temps, votre budget, la fréquence de vos achats, etc. Fixez-vous un chemin, une route à suivre pour atteindre vos objectifs et pensez peut-être même à vous fixer des objectifs pour votre collection. Le critique culturel Rusell Lynes a dit un jour : "Il y a une distinction à faire entre les vrais collectionneurs et les accumulateurs. Les collectionneurs font preuve de discernement ; les accumulateurs agissent au hasard." Même si la notion de "vrai" collectionneur peut être quelque peu idéaliste, avoir des objectifs ou d'autres moyens d'essayer de choisir ce que vous recherchez constitue un avantage car il vous aide à faire des choix réfléchis.

5. Informez-vous : collectionner est un voyage qui demande du temps et des connaissances - et qui comprendra inévitablement des erreurs -, qu'il s'agisse d'œuvres dont il faudra se séparer plus tard ou conserver en souvenir. Vous formerez votre œil et votre goût en augmentant vos connaissances - à la fois en vous confrontant fréquemment à des œuvres d'art dans des ateliers, des galeries, des ventes aux enchères, des foires ou des musées, mais aussi en lisant ou même en suivant des personnes sur Instagram. Comme les amateurs d’art utilisent tous Instagram comme plateforme, cela peut être un bon moyen de s'assurer que vous vous tenez au courant. Mais aussi étudier l'art que vous aimez vous aidera vraiment à comprendre tout ce qui tourne autour de la collection.

 

Résumé

La plupart des collectionneurs décrivent leur parcours de collection comme un processus. La consultante en art Gaïa Donzet conseille : ‘Regardez et parlez aux gens, discutez des choses. En faisant cela de manière constante, vous façonnerez votre propre goût et en redéfinirez durablement les frontières. Ce que vous voyez aujourd'hui et que vous ne comprenez pas sera peut-être clair pour vous dans deux ans ou pourra vous aider à mieux comprendre ou apprécier la prochaine exposition que vous verrez, en fin de compte vous apprendrez ce que vous aimez et pourquoi.’

Au fil de la vie, nos besoins et nos désirs changent, de la même façon une collection d'art ne doit pas être statique mais refléter les changements. Cela demande de la patience, de l'ouverture d'esprit, des risques et récompensera le collectionneur qui s'engage dans cette voie. Un collectionneur anonyme a déclaré : ‘Selon moi, le mot ‘collectionneur’ est un mot sacré et, avant de pouvoir s'en prévaloir, cinq choses doivent être accomplies : collectionner, conserver, rechercher, publier et exposer... Le fait est que nous le faisons pour le reste de l'humanité’.

 

 

Pour poursuivre :

Roxana Azimi, Le guide Hazan de l’art contemporain, Hazan, Paris, 2019.

Qu’on soit petit ou « gros » collectionneur, qu’il s’agisse d’un passe-temps ou d’une activité à plein temps, il faut savoir comment et où acheter. Ce guide propose une sélection internationale d’artistes afin d’orienter l’acheteur indécis dans le domaine de l’art contemporain. Écrit par une des meilleures spécialistes françaises du marché de l’art, il n’est ni exhaustif, ni confidentiel, et s’adresse à toutes les bourses de collectionneur.

Tiqui Atencio, Could have, would have, should have : Inside the World of the Art Collector, Art Books, Londres, 2016.

La vénézuélienne Tiqui Atencio utilise sa propre expérience de collectionneuse et présente ses entretiens avec de nombreux autres collectionneurs pour écrire un guide retraçant les plaisirs, les peines et les difficultés du collectionneur.

Louisa Buck et Judith Greer, Owning Art. The Contemporary Art Collectors Handbook, Cultureshock Media, Londres, 2008.

Co-écrit par l'écrivain Louisa Buck et la collectionneuse Judith Greer, cet ouvrage est l'une des bibles sur la collection d’art. Il vise à guider le lecteur dans le processus d'achat et la possession d'art contemporain. Il constitue encore à ce jour un ouvrage de référence.

Mary Rozell, The Art Collector's Handbook. Le guide définitif pour acquérir et posséder de l'art, Lund Humphries, Londres, 2020.

Un guide récent, très complet, avec de nombreuses réponses sur tous les aspects de la collection, y compris les questions juridiques et financières.